AXE SEINE: LES SATISFECITS DU GOUVERNEMENT

6/02/2017 – Si le Premier Ministre Bernard Cazeneuve a réitéré le soutien de l’Etat au développement de l’Axe Seine vendredi 3 février, cela ne semble pas être l’avis des acteurs territoriaux. Certains élus s’inquiètent.

CONTENU EDITORIAL

L'Etat soutient l'Axe Seine

C’est un fait, Bernard Cazeneuve a dit toute l’importance qu’il accordait à l’Axe Seine, rappelant qu’il ne s’agissait pas d’un enjeu ordinaire. Pourtant la stagnation du développement de l’Axe Seine annoncé par le Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, en 2009 est un signe que ce soutien peine à se concrétiser voire même que ce soutien n’est pas à la hauteur des enjeux. C’est Jean-Paul Lecoq, vice-président de l’agglomération havraise (CODAH) et conseiller départemental de Seine-Maritime qui envoie la 1ere salve.

“le 1er Ministre a annoncé 300 millions d’apport de l’Etat en faveur du développement de l’axe Seine. (…) Pour ne prendre que ce simple exemple, le projet stratégique du port du Havre a besoin de 385 Millions d’investissements jusqu’en 2019 dont plus de 200 millions dédiés à des infrastructures et outils nouveaux sur le domaine portuaire”

C’est pas faux. Au regard des sommes avancées par les acteurs économiques et portuaires comme nécessaires au développement de l’Axe Seine, on est bien loin des 17 milliards de l’Union Maritime Et Portuaire (UMEP) d’ici à 2050 et les seuls fonds propres de HAROPA pour son développement (77 millions d’euros en 2016, 95 en 2017) ne suffisent pas à atteindre cette somme.

Quels sous pour financer quoi ?

LA STRATEGIE, UNE DIVERGENCE MAJEURE

Mais si Bernard Cazeneuve s’est satisfait du soutien apporté par l’Etat au développement de l’Axe Seine, il s’avère que celui-ci n’est pas à la hauteur des attentes des acteurs économiques et politiques territoriaux. Le maire du Havre, Edouard Philippe, se disait déjà inquiet de la priorité donnée par le nouveau Président de la République, François Hollande, à une modernisation de la ligne ferroviaire Le Havre-Rouen-Paris au détriment d’une vraie Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN). Les modernisations promises, même si elles ont été effectuées d’après le Premier Ministre ne sont donc pas particulièrement bien accueillies. Mais au-delà des lignes ferroviaires, c’est tout le bassin économique portuaire qui n’est pas traité à la hauteur des enjeux d’après Jean-Paul Lecoq.

“Depuis des mois, avec les autres élus communistes comme Thierry Foucaud encore récemment, nous ne cessons d’interpeller le gouvernement sur le péril que fait peser sur le complexe industriel et portuaire normand l’absence de stratégie maritime et industrielle de l’Etat, tout comme sa décision, sur demande de l’Union Européenne, de construire le canal Seine-Nord au service des ports concurrents de l’Europe du Nord”

Ah, ce fameux canal Seine Nord… Un bien bel outil au demeurant qui n’a pas seulement vocation à dresser une voie royale pour le port d’Anvers à condition que la vallée de la Seine ait les moyens de s’en servir. Et c’est justement à cette situation que craignent d’arriver les acteurs politiques et économiques de l’Axe Seine.

Craintes autour du canal

COLLABOREZ ! ON VERRA APRES

On a vraiment l’impression que l’Etat démissionne sur ce point. Alors que le gouvernement a pu débloquer 2 milliards d’euros sur les 5 que vont coûter le canal Seine, Bernard Cazeneuve pose une condition à un soutien accru de l’Etat.

“Laissez-moi partager, cependant, une conviction : ce sont les projets, les actions communes qui créent des opportunités ; le débat institutionnel, que certains voudraient ouvrir dès aujourd’hui, viendra ensuite”

Le souci, c’est que cette coopération s’est particulièrement développée ces derniers mois. Les Régions Normandie et Île-de-France ont signé un contrat de coopération le 12 janvier. Celui-ci lance les études sur la fusion des ports du Havre Rouen et Paris et le transfert de leur gouvernance aux Régions. La fusion des trois ports était d’ailleurs prônée par l’ancien commissaire au développement de l’Axe Seine, Antoine Rufenacht dès la création de HAROPA en 2012 avant que son poste ne soit supprimé… par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault et remplacé plus tard par une délégation interministérielle. Les communautés économiques portuaires se sont regroupées le long de l’Axe Seine via la Fédération des Communautés Portuaires de l’Axe Seine (FCPAS). Même les ports et les communautés portuaires collaborent financièrement puisque si HAROPA investit 172 millions d’euros sur la période 2016-2017, le privé y ajoute 945 millions d’euros pour ses activités. Pour finir, la Région Normandie a signé début janvier un contrat de filière logistique qui va dans le sens du développement des entreprises sur l’Axe Seine.

Le bilan HAROPA 2016

Il semble donc clair que, derrière ses déclarations, l’Etat n’a pas vocation à soutenir plus qu’il ne l’a déjà fait le développement de l’Axe Seine. C’est en tout cas l’avis du vice-président de Normandie chargé des transports, Jean-Baptiste Gastinne.

“Il (Bernard Cazeneuve ndlr) n’a pas rejeté l’idée d’une fusion des ports ni celle d’une évolution de leur gouvernance mais il est désormais clair que, sauf alternance politique nationale, la concrétisation de l’Axe Seine reposera sur les Régions Normandie et Île-de-France”

Deux régions à droite vont donc porter un projet lancé par un gouvernement de droite et espèrent une alternance lors de la prochaine élection présidentielle pour le relancer. Comme toujours, un projet économique louable, bien que ses ambitions soient sujettes à critiques parfois, devient un moyen d’opposition politique. Est-ce que l’alternance telle que la souhaitent les Régions Normandie et Île-de-France en vaut la chandelle ? Est-ce que les vieilles querelles de suprématie territoriale entre Le Havre et Rouen méritent de pourrir le développement de l’Axe Seine ? On aimerait tellement mieux se focaliser sur le projet lui-même, les opportunités qu’il offre à ses habitants et le meilleur moyen de le rendre viable. Mais apparemment, il y a des considérations qui passent bien avant cela.

Photo: Jean-Paul Lecoq, vice-président de la CODAH et conseiller départemental communiste de Seine-Maritime

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Maxime Malfoy

Journaliste passionné, Maxime jongle entre radio, vidéo et presse écrite depuis 8 ans. Et pour ce tout terrain de 30 ans, l'important est de transmettre l'information en direct et sans filtre. C'est pour cette raison que Maxime a lancé Seinomedia.fr en janvier 2017.
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